Deniers au type GRATIA DEI REX

Georges Depeyrot attribue ces deniers à Charles le Chauve. Cependant les deniers dits « au type de l'édit de Pîtres », frappés sous son règne dans d'autres ateliers monétaires, portent tous la légende GRATIA D-I REX. La forme GRATIA DEI REX ne semble apparaitre à Bourges qu'avec les deniers d'Eudes, ce qui a amené quelques numismates à attribuer ces monnaies à Eudes ou à situer leur émission juste après cette période, sous le règne du roi Charles le Simple. Le style de gravure des légendes de ces monnaies semble pouvoir valider ces deux hypothèses, mais leur poids moyen est légèrement supérieur à celui des deniers du roi Eudes : 1,67g en moyenne pour trois de ces deniers, contre 1,56g en moyenne pour cinq deniers de Bourges au nom d'Eudes (maxi 1,62g et mini 1,48g pour un denier visiblement usé) ou 1,58g pour les quatre deniers les mieux conservés.

Nous pourrions donc envisager un autre raisonnement : les deniers au monogramme d'Eudes seraient immédiatement postérieurs à ces deniers, qui pourraient alors être classés chronologiquement au tout début du règne d'Eudes, avant l'apparition des deniers portant le monogramme odonien, mais il semble très peu probable que des deniers portant le monogramme carolingien aient été frappés au début du règne du premier roi robertien.

Une autre possibilité pourrait être de les dater de la fin du règne de Charles le Gros, roi (ou régent) de Francie occidentale entre juin 885 et novembre 887, ce qui est très peu probable du fait de son influence extrêmement courte et limitée sur Bourges, mais pas impossible. En effet, Charles le Gros appelé en 885 par les grands vassaux du royaume franc à assurer la régence de la Francie occidentale en raison du trop jeune âge de l'héritier légitime, propose à Boson, comte de Bourges, de le reconnaître comme roi de Provence sous la simple condition d'un hommage au royaume des Francs. Boson avait été élu en 879, après la mort de Louis le Bègue, comme l'homme le plus apte à protéger l'Église et le pays par des prélats et grands seigneurs contestant les droits de succession de Louis III et Carloman II. Il était ainsi devenu roi du royaume de Bourgogne, incluant la Provence et ses autres possessions. Mais son couronnement lui avait valu une guerre contre une nouvelle alliance des rois carolingiens. La proposition de Charles le Gros permet à Boson de sortir honorablement de sa lutte contre les Carolingiens, et l'émission des deniers à la légendes GRATIA DEI REX a peut-être été ordonnée en signe de cette allégeance. Boson étant mort en janvier 887, cela laisse moins de deux années possibles pour la frappe de ces deniers si nous validons cette hypothèse, mais cela expliquerait la faible quantité émise et leur poids supérieur à ceux frappés pour Eudes.

Nous ne connaissons qu'un seul trésor publié dans lequel il est fait mention de ces deniers de Bourges à la légende GRATIA DEI REX : il s'agit du trésor de Gannat publié par Victor Vannaire dans la Revue Numismatique de 1867, pages 316 à 318 (voir ici). Voici la liste des 84 deniers étudiés :

Liste tresor gannat

Victor Vannaire pensait l'enfouissement de ce trésor contemporain de Charles le Chauve. Jean Duplessy, dans Les trésors monétaires médiévaux et modernes découverts en France, tome I, Bibliothèque Nationale 1985, mentionne ce trésor en datant son enfouissement vers 884-887 (?), et émet ce doute : « 4 deniers de Bourges avec GRATIA DEI REX type inconnu (erreur de lecture ? Ce type est connu pour Eudes) ». Gariel, en 1883, avait également douté de l'existence de ces monnaies qu'il pensait être d'Eudes et avoir été attribuées par erreur à Charles le Chauve (Gariel : Les monnaies royales de France sous la race carolingienne, t.I, p.118).

Nous savons maintenant que ces deniers existent vraiment, mais avec aussi peu de données il est impossible de les dater avec certitude. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'au vu du très petit nombre de monnaies parvenues jusqu'à nous, et avec seulement deux coins de droit et un coin de revers recensés, ces deniers ont été frappés sur une très courte période. Aucune obole correspondante n'est connue.

Denier GRATIA DEI REX

Denier / 1,66 g / 20,5 mm / Axe des coins 6h
Réf. : Dp.197B
Source : vente iNumis n°12 du 22/10/2010, lot 392

A/ + GRATIA DEI REX
Monogramme carolingien.
R/ + BITVRICES CIVIT
Croix.

Denier GRATIA DEI REX

Denier / 1,67 g / ? mm / Axe des coins 9h
Réf. : Dp.197B
Source : vente Künker du 08/03/2010, lot 82

A/ + GRATIA DEI REX
Monogramme carolingien.
R/ + BITVRICES CIVIT
Croix.

Denier GRATIA DEI REX

Denier / 1,68 g / ? mm / Axe des coins ?
Réf. : Dp.197B
Source : vente Gadoury du 14/11/2015, lot 288

A/ + GRATIA DEI REX
Monogramme carolingien.
R/ + BITVRICES CIVIT
Croix.

Ce même denier est à nouveau passé en vente chez CGB le 28/06/2016 (www.cgb.fr), mais la référence Depeyrot mentionnée était erronée (Dp.200).

 

Ces trois deniers, apparemment les seuls à être passés en vente, ont tous été frappés avec le même coin de revers, et les exemplaires vendus par iNumis et Künker sont également issus du même coin de droit.

En 1931, dans le volume XLIV de la Mémoire de la Société des Antiquaires du Centre, a été publié un article concernant un denier de ce type présenté par M. François Roger, sans en donner l'origine (voir ici). En voici la photo :
Denier GRATIA DEI REX

Cet exemplaire semble être issu des mêmes coins de droit et de revers que celui passé en vente chez Gadoury et CGB. Avec les quatre deniers du trésor de Gannat dont nous ignorons à quelles collections publiques ou privées elles pourraient appartenir aujourd'hui, et en supposant bien sûr qu'aucune d'entre elles ne soit une de celles présentées sur cette page, cela nous ferait huit exemplaires connus pour ce rare denier.

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